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 Tom TUCKER
7e Engineers Batalions, Fort Driant

Tom en novembre 1944

 

 

               

 

                Et lors de sa visite au fort Driant
                                 en 1998

Tom a traversé la Moselle à Arnaville, puis a participé aux combats du fort Driant.
«Nous avons passé beaucoup de temps à l'extérieur, dans l'enceinte du fort, exposés à tout ce que les Allemands avaient décidé de balancer sur nous. La surface était pelée et noire du fait des bombardements et de tous les tirs d'obus. Il ne restait que quelques troncs d'arbres fracassés encore debout. Chaque déplacement auquel vous surviviez tenait du miracle».
TOM et le Fort Driant

    J'ai rencontré la première fois le Fort Driant quand mon escouade y fut envoyée pour y mettre en place les « snakes » (torpilles « serpents » emboîtables pouvant se glisser sous les barbelés) qui devaient servir à ouvrir des passages dans les larges rangées de barbelés qui entouraient le fort. Les « snakes » ressemblaient à de longues portions de tuyaux, d’à peu près 15cm de diamètre, qui étaient emboîtées les une dans les autres jusqu’à ce qu’ils fassent environ 100 mètres de long. Ils étaient remplis d’explosifs. C’était d’ailleurs notre boulot de remplir ces tuyaux d’explosifs après que l’assemblage eut été fait. Ces « snakes » avaient été assemblés au sud-ouest du fort. Je pense qu’il y avait à l’époque à cet endroit une petite ligne électrique, ou une ligne téléphonique jouxtant une petite construction blanchâtre. L’assemblage et le remplissage des « snakes » nous prirent environ une journée

                                                            

Quelques jours plus tard, notre escouade (environ 8 hommes) reçut l’ordre de se déplacer vers l’intérieur du fort, en support de notre infanterie qui était déjà en position offensive. Il fut décidé que nous monterions vers le fort dans des chars. Nous retrouvâmes les chars en question près de la lisière d’un bois situé à environ 500 ou 600 mètres au sud-ouest du fort. Le seul membre d’équipage restant dans le char pour notre « promenade » était le chauffeur. Ceci devait permettre à 5 « engineers » (soldats du génie) de se serrer dans le char. J’étais dans la tourelle. Je me rappelle que l’intérieur était peint en blanc et que je n’aimais pas beaucoup l’idée d’être enfermé dans cette boîte de conserve. Ce genre d’engin semblait toujours attirer au maximum l’artillerie allemande. Nous avons bien arrimé notre équipement et quelques provisions à l’extérieur du char pour le voyage vers le fort. En arrivant au point de largage, situé juste au sud de ce que nous devions appeler plus tard la casemate S, nous fûmes très largement exposés pendant que nous déchargions notre équipement des chars. Il fallut nous jeter rapidement dans un fossé où nous fûmes pris en charge par un guide qui nous fit courir vers une porte s’ouvrant dans une énorme grille de fer. Puis, le guide nous indiqua une ouverture dans le bunker dans laquelle il fallut s’engouffrer à toute vitesse. Elle était située au deuxième étage de la casemate S. Nous devions plus tard l’appeler « la porte ».

Nous passâmes peu de temps dans la casemate S. Une fois seulement je fus obligé de me trouver dans le profond tunnel reliant la casemate S à la casemate R. Les fumées provenant des explosions souterraines étaient si denses qu’il était impossible de rester longtemps dans le tunnel. On nous ordonna ensuite d’amener équipement et provisions, aussi nous dûmes retourner à l’endroit où nous avions laissé les chars, puis décharger tout notre matériel pour enfin l’amener jusqu’à la casemate S.
Il nous fallut alors passer beaucoup de temps à découvert, courant sur la surface du fort, exposée à tout ce que les Allemands pouvaient nous balancer sur la tête. Cette surface était décapée et noire à cause des bombardements et des tirs d’artillerie. Il ne restait que de rares troncs d’arbres déchiquetés. Chaque voyage dont vous reveniez vivant tenait du miracle. Il y a deux choses dont je me rappellerai toujours de mes courses allant des chars aux casemates : La première c’est qu’il me semblait voir toujours le même GI mort au pied de la palissade métallique. La seconde était la vision au loin de « la porte » dans le bunker qui signifiait pour moi « sécurité ».

Une petite histoire à propos de « la porte » : Il y avait toujours un officier de communication avec son équipement qui se tenait à l’abri juste à l’intérieur de cette ouverture.  Aussi, chaque fois que nous nous engouffrions en hâte dans « la porte», nous le piétinions ! … Environ 45 ans plus tard, lors d’un voyage avec les membres de la 5ème Division, je rencontrai un homme qui s’avéra être cet officier. Ironie du sort, il habitait tout près de chez moi, à San Diego, et nous devinrent de très bons amis…

                                                        Plan détaillé de la bataille du 27 Septembre au 13 Octobre 1944

Un clic sur la carte permet un zoom                  

Notre mission suivante fut d’occuper un gros bunker situé au sud de la casemate P, à quelques 200 mètres de la casemate S. Une fois encore cela voulait dire déplacer tout l’équipement et autre approvisionnement, refaire des dizaines d’aller-retour de la « S » vers le bunker. Nous étions tout du long exposés au feu ennemi, à l’exception de quelques petits abris bétonnés qui étaient disséminés tout au long de la piste sur laquelle nous courions. A l’est du bunker se trouvait un trou d’homme. Nous décidâmes qu’il nous servirait la nuit de poste avancé et de poste d’observation. Il avait apparemment été creusé par notre infanterie qui avait occupé le bunker t cet endroit avant d’être capturée par l’ennemi. Je passai trois nuit dans ce trou avec mon camarade Chuck Risser. Nous quittions toujours le bunker pour aller nous positionner dans le trou quand la nuit tombait, et nous retrouvions le bunker à l’aube.
Pendant la journée, le vacarme engendré par l’artillerie, les mortiers et les armes automatiques était quasiment ininterrompu, mais c’était si calme durant la nuit que vous pouviez entendre le son le plus léger. C’était étrange et cela semblait irréel…
Chaque nuit, nous amenions dans notre trou une caisse de grenades à main. Au moindre bruit, nous lancions une grenade. En vérité, nous balancions une grenade à chaque bruissement, tout au long de la nuit…
Après notre repli du fort, Risser et moi avions l’habitude de bien rire en pensant au nombre de souris que nous avions probablement tuées avec nos grenades !
Sur le sommet du bunker, il y avait une position de mitrailleuse de notre 10th Infantry Heavy Weapons Platoon. Risser et moi étions toujours inquiets parce que, s’ils avaient à tirer dans notre direction, nous n’étions pas sûrs qu’ils viseraient assez haut pour ne pas nous atteindre.
Un matin, au moment où le jour commençait juste à poindre, nous entendîmes un bruit étrange venant de notre arrière : « clic, clac, clic, clac… ». Nous attendîmes, bien cachés au plus profond de notre trou… C’était en fait deux gars de chez nous, appartenant au Signal Corps. Ils descendaient tranquillement la piste avec un rouleau de câble téléphonique qu’ils déroulaient. Ils se rendaient vers l’est et posaient ce câble pour assurer des liaisons entre nos différentes unités. Avec Risser, nous les stoppâmes en leur disant qu’il n’y avait plus personne de chez nous dans cette direction. Risser et moi représentions le poste le plus avancé. Ils nous dirent OK avec un sourire, mais continuèrent leur chemin. On ne les revit jamais.

A la fin de l’attaque, on nous envoya vers la casemate S. Nous y sommes restés environ une journée. Toutes nos troupes se repliaient. Notre dernière mission fut d’attendre le départ de tous nos gars pour mettre à feu les fusées qui allaient faire exploser la casemate R. L’explosion allait être énorme vu la quantité d’explosifs employée pour la destruction de l’ouvrage.
Nous étions là avec un officier qui nous donna le choix de quitter le fort dans les chars ou à pieds.  Notre réponse fut unanime « pas de chars ! ! !». Une fois, c’était assez… Nous plaçâmes donc les fusées, courûmes à toute vitesse hors de la casemate S et rejoignîmes le reste des hommes en bas de la colline, en traversant les bois, quelques 500 mètres en contrebas. Puis on nous ramena à Lorry (Mardigny).

En 1990, je pus obtenir une permission pour retourner au fort Driant. Puis en 92 et 94. En 94 je pus enfin localiser le trou où Risser et moi avions passé toutes ces drôles de nuits…

Tom Tucker   Compagnie B, 7ème  bataillon du Génie        5ème  Division d’Infanterie      3ème Armée Américaine

Le retour de 2001

Tom est revenu une nouvelle fois en ce mois de mai 2001. Après avoir été reçu chaleureusement en mairie d'Ancy-sur-Moselle, nous l'avons accompagné le lendemain dans une longue visite du Fort Driant. Plus de trente personnes ont suivi les explications techniques de notre guide Marcel Geoffroy et, àchaud , les commentaires de Tom.
De plus il nous a accordé un long interview que nous reproduirons bientôt en vidéo.

Le lendemain, nous nous sommes rendu sur la Seille ou Tom a construit un des premiers ponts à hauteur de Sillegny.
Nous avons aussi fait un émouvant arrêt dans le village de Lorry, ou un de ses camarades à été grièvement blessé devant lui.

 

Sur une tourelle du fort Driant...

    ... Des hauteurs d'Arry, Tom nous montre    l'endroit où il a effectué la traversée de la     Moselle en septembre 44 à hauteur     d'Arnaville

Il a aussi tenu à nous montrer à Bayonville la scierie où les Américains s'entraînaient à monter les ponts destinés à la Seille car le Rupt de Mad présentait la même largeur.